Lettre de la Commission de Travailleurs condamnés,
les Familles et les Amis de Las Heras
Le 2 novembre 2017, Las Heras, Santa Cruz, Argentine
Nous écrivons ces lignes depuis le Sud de la Patagonie, avec une angoisse profonde et beaucoup de colère quand nous voyons que déjà trois mois ont passés de la disparition du compagnon Santiago Maldonado, un jeune combattant que nous avons considéré comme le fils adopté de tous les travailleurs. Si bien nous n'avons pas fait connaissance de Santiago en personne, nous étions en alerte pour lui, comptant les jours et les heures d’avoir de ses nouvelles. Nous avons lutté pour sa réapparition en vie, nous avons gagné les rues du monde pour l'obtenir.
Malheureusement l'État et ses forces de répression, comme la gendarmerie assassine, nous ont donné le corps sans vie du compagnon Santiago, deux jours avant les élections législatives.
Le combat pour le jugement et la punition de tous les responsables de la mort de Santiago doit être pris comme un drapeau de combat par tous les ouvriers du monde. Parce que nous somme tous Santiago Maldonado! Il est incroyable que pendant 3 mois, la CTA et la CGT (deux centrales syndicales de l'Argentine, NduT) se sont refusées à appeler à la grève pour sa réapparition en vie, et se refusent toujours maintenant à le faire pour que la justice soit faite.
Les membres de la Commission de Travailleurs Condamnés, les Familles et les Amis de Las Heras nous avons aussi subi l’oubli et le silence des directions des syndicats pendant des années. Ils nous ont tourné le dos alors que nous avons subi, dans l’année 2006, l’action de l'État et ses forces de répression, avec la militarisation de notre village, avec des perquisitions de la police dans nos maisons ; on nous a torturés et on a torturé nos êtres aimés ; nous avons subi la prison et en 2013 nous avons été condamnés à la prison à vie du fait d’avoir commis "le crime" d’avoir lutté pour nos droits et pour défendre le pain de nos familles.
L’action de la CTA et de la CGT a été pour garder silence et continuer de nous tourner le dos, de la même manière qu’elles font envers la mort du compagnon Santiago. Voilà pourquoi pendant ces années de résistance et de combat, avec des ouvriers de la planète pour la liberté de tous les prisonniers politiques du monde et pour justice pour nos martyrs du Réseau International, nous avons compris que la seule réponse à nos misères c’est la solidarité des travailleurs.
Nous voulons exprimer que, si nous pouvons être avec nos familles jusqu’aujourd'hui, c’est grâce aux milliers de travailleurs qui, dans le monde entier, ont pris notre combat et ont été solidaires dans la lutte pour notre acquittement. C'est pour cette raison que, bien qu'il pèse sur nous la condamnation et que nous savons que chaque jour peut être le dernier jour de liberté, l'État n’a pas pu rendre cette condamnation effective. C’est grâce à la solidarité internationale de la classe.
Nous savons qu’avec le combat de la classe ouvrière et la solidarité internationale nous pourrons battre la condamnation brutale qui pèse sur nous. Nous n’oublions pas que c'est Cristina Kirchner qui, le 12 décembre 2013, a donné l'ordre au tribunal videliste (en référence à Videla, le leader de la dictature argentine de 1976-1982, NduT) au service des compagnies pétrolières, pour dicter notre condamnation. Nous avons vu qu'en réponse à cette attaque, des milliers d'ouvriers se sont soulevés au niveau mondial, les prisonniers palestiniens dans les prisons de l'occupant israélien et des prisonniers politiques basques ont fait une grève de la faim, les travailleurs et les jeunes Zengakuren du Japon ont entouré l'Ambassade argentine, les travailleurs et les jeunes qui se sont levés au Moyen-Orient et dans le Maghreb et ont lutté avec nous. Les énormes forces des travailleurs nous ont permis d’être toujours avec nos familles luttant pour l'acquittement.
C’est pour cette raison que nous avons vécu avec une profonde émotion les actions faites en Europe, dans l’État espagnol, dont nous avons fait part à travers le Réseau International pour la Liberté des Prisonniers Politiques et pour Justice pour nos Martyrs, et aussi les journées de lutte et combat au Chili, en Colombie, en Bolivie et dans tout le continent. Nous avons été émus de voir les délégués et les combattants qui se sont réunis au Congrès de Conlutas au Brésil soulevant le drapeau de Santiago Maldonado. Nous sommes convaincus que celle-ci c’est la route. Les voilà les forces pour faire justice pour notre compagnon Santiago et pour tous nos martyrs ! Ce sont les forces pour libérer tous les prisonniers politiques! Vive l'unité des travailleurs du monde!
Notre motion est de frapper ensemble comme un seul poing au-dessus des frontières; la misère, les souffrances et les injustices, c’est ce qui nous unit avec les ouvriers de différents points du pays et du monde. La solution et la justice ne viendront pas de la main du Parlement et des juges des exploiteurs, mais de l'énorme solidarité de classe.
Nous appelons donc à continuer d’approfondir cette route, celle de l'unité des travailleurs, contre les mêmes ennemis. La Gendarmerie qui a attaqué les compagnons mapuches dans la « Pu Lof » (communauté) de Cushamen et qui a fait disparaitre Santiago est la même qui a occupé notre village pétrolier dans l'année 2006 où nous nous sommes levés contre l'impôt sur le salaire et contre le travail précarisé .Ces forces qui ont militarisé aujourd'hui la Cordillère et ont occupé les gisements de pétrole sont les mêmes qui, en 2006, ont produit des pannes d'électricité dans notre ville (méthode pour intimider la population utilisée par la dictature, NdT) et sont violemment entrés dans nos maisons, frappant nos familles et arrêtant nos compagnons. Ceux qui harcèlent et attaquent les travailleurs de la Cordillère depuis des années et qui aujourd'hui tiennent comme otage en prison le compagnon Facundo Jones Huala, ce sont ceux qui nous ont maintenu arrêtés et qui nous ont traités comme des déchets pendant plus de trois ans.
En 2006, quand nous sommes sortis lutter, ce fut le gouvernement du défunt Néstor Kirchner qui a commandé l'occupation de notre village et qui a mené une chasse aux sorcières, nous a emprisonnés et nous a soumis à la terreur videliste (de Videla, le dictateur de 1976, NdT). L'année 2013, Cristina Kirchner, alors présidente, a donné l'ordre aux juges pour déterminer la brutale condamnation. Aujourd'hui c’est le gouvernement Macri qui se trouve à la tête de l'attaque contre nous. Quand il attaque les ouvriers et leurs conquêtes, ils se joignent tous. Nous, les travailleurs, nous devons nous unifier dans le monde entier pour défendre nos acquis, libérer nos compagnons arrêtés et obtenir la justice pour nos martyrs!
S’ils touchent à l’un de nous, ils touchent à nous tous ! Une seule classe, un seul combat! Il est nécessaire d'approfondir l'exemple de CONLUTAS! Unissons nos forces par-dessus les frontières!
Jugement et punition pour tous les responsables de l’assassinat de Santiago Maldonado! Il n'y a pas eu ni d’erreurs, ni d’excès : tous ceux qui ont participé à ce processus sont responsables!
Liberté pour Facundo Jones Huala et pour tous les prisonniers politiques!
Pour notre acquittement et celui des travailleurs de Terre de Feu! Liberté pour tous les prisonniers politiques et justice pour nos martyrs!
Pour la Commission de Travailleurs Condamnés, les Familles et les Amis de Las Heras :
José Rosales, condamné à la prison à vie.
Hugo González, condamné à la prison à vie.
Omar Mansilla, condamné à 5 ans de prison.
Daniel Aguilar, condamné à 5 ans de prison.
Rubén Bach, condamné à 5 ans de prison.
Claudia Bazán, épouse de José Rosales.
Raquel Valencia, épouse de Hugo González.
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